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L’auteur (Gabriel Calderon) est uruguayen, l’acteur (Joan Carreras), catalan, le héros, Richard III, britannique, ou plutôt shakespearien. « Donc » est le premier mot qu’il prononce depuis son trône, installé au centre d’une estrade, elle-même élevée sur trois niveaux, et adossée à un mur de cordes lourdes et longues. Un « donc » qui semble suggérer que le public prend en marche le train d’un spectacle amorcé bien avant son entrée. Ce qui a eu lieu, on l’ignore, ce qui va se dire, on le découvre, une fois passées quelques minutes d’attente.
Un acteur de seconde zone, en costume trois pièces, cravate et chaussures vernies regarde les spectateurs, s’ébroue, écarquille les yeux, contorsionne sa bouche. Il vient d’apprendre qu’il a le premier rôle dans Richard III, de Shakespeare. A son tour d’incarner la descente aux enfers d’un homme assoiffé de pouvoir et prêt au pire pour l’obtenir. Le comédien tient son moment de gloire. Pas question de se faire voler la vedette par des camarades de plateau qu’il méprise. Noir dans la salle. La musique de Purcell retentit. Le seul-en-scène peut démarrer.
Une heure de logorrhée déferle dans la salle, une heure durant laquelle les yeux de ceux qui ne parlent pas le catalan zigzaguent, affolés, des surtitrages au corps en présence. Le procédé est contraignant, voire désagréable. Mais il n’arrive pas de nulle part, l’idée majeure du texte de Calderon étant d’instaurer un lien d’autorité et de brutalité entre la personne du comédien et ses pseudo-partenaires de jeu, metteur en scène, public.
Cette entrée en matière, servie par une langue très écrite aux visées littéraires, augure du meilleur. Les mauvais sentiments (misanthropie, mégalomanie, misogynie, vanité, etc.) sont capables de susciter des spectacles de haut vol. On pense très vite à Angelica Liddell, revisitant elle aussi, en 2010, avec sa furie incandescente, la figure de Richard III dans la chapelle des Pénitents blancs (El año de Ricardo), à Avignon. Très vite aussi s’impose le souvenir de Thomas Bernhard, dont l’excellence des dithyrambes (sur lui, le théâtre, la société) a peu d’équivalents. Ces deux références parasitent durablement la réception de Historia d’un senglar, dont l’intensité fait, du coup, pâle figure.
Le comédien qui joue Richard III s’ébat pourtant lui aussi dans les eaux sombres d’une détestation généreuse. Chacun en prend pour son grade, à commencer par le public ignare : « On s’y connaît en langage codé, beaucoup moins en métrique », lui est-il reproché. Ou encore : « Si vous voulez de l’intelligence, lisez des livres. » Haine de l’autre et affirmation d’un ego tout-puissant : l’acteur adhère à la psyché du personnage qu’il incarne et avec lequel il va petit à petit se confondre.
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